[Opinion] Le scandale des EHPAD confirmé par le Défenseur des droits

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Cette fois, ce ne sont plus seulement des plaintes de particuliers et d’associations, relayées par des enquêtes journalistiques, mais un rapport officiel du Défenseur des droits qui dénonce la maltraitance des pensionnaires des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Les droits des résidents en Ehpad sont « grandement entravés » juge Claire Hédon dans ce rapport publié ce 4 mai après des centaines de saisines (près d’un millier en six ans dont 211 depuis le début de la crise sanitaire – deux de ces saisines émanant de collectifs d’environ 300 familles). Le problème est ancien mais il a été sensiblement aggravé par la crise sanitaire. Se basant sur une enquête auprès des agences régionales de santé (ARS) et sur la synthèse des inspections réalisées dans les maisons de retraite, Claire Hédon, le Défenseur des droits, confirme que nos aînés ont été et restent les principales victimes du coronavirus, du fait de leur vulnérabilité, certes, mais aussi à cause d’abus de pouvoir de la part de directions d’Ehpad.

Ce rapport souligne « une augmentation, de la part des directions des établissements, de violations de la liberté d’aller et venir des résidents ainsi que de leur droit au maintien des liens familiaux. » « Nombreux sont les établissements (…) dans lesquels les visites n’ont été possibles qu’à une faible fréquence » et dans des conditions comparées par les familles à celles d’un « parloir » de prison, décrit le rapport. Il dénonce notamment des tests de dépistage pratiqués sans le consentement des pensionnaires, des interdictions de visites de leurs proches contraires au droit à une « vie privée et familiale », des sorties interdites « depuis le mois de mars 2020 », ou restreintes même hors périodes de confinement, y compris pour des résidents vaccinés, ou encore l’interdiction faite à des familles de voir leur proche décédé et immédiatement mis en bière…

Les directions d’Ehpad ne sont pas seules en cause. Claire Hédon pointe aussi la responsabilité des pouvoirs publics qui n’ont pas su « concilier les enjeux de santé publique avec la nécessité d’une réponse appropriée aux besoins spécifiques des personnes âgées accueillies en Ehpad afin de préserver non seulement leur santé, mais aussi leurs droits et libertés ». Elle déplore à ce sujet la « difficile accessibilité et lisibilité » des normes en vigueur instaurées par le gouvernement qui a laissé se débrouiller les responsables d’Ehpad : « Les restrictions, qui peuvent être gravement attentatoires à la liberté, ne peuvent être laissées à la seule appréciation des directions d’Ehpad. Elles doivent faire l’objet d’un encadrement strict sur la base de l’égalité pour l’ensemble de la population ». Or La consigne d’interdiction de sortie des personnes résidant en Ehpad, délivrée par le ministère de la Santé, n’a fait l’objet d’aucune mesure d’ordre législatif ou réglementaire pour en fixer les limites. D’où la détresse des familles, et « la dégradation majeure de l’état psychologique et/ou physique des personnes résidant en Ehpad », des personnes âgées « ayant perdu le goût de la vie, souffrant de dépression, exprimant le sentiment d’être emprisonnées ». En outre, des résidents ont souffert de l’absence de continuité des soins, voire de difficultés d’accès aux urgences, y compris pour des patients dans un état grave. Certains ont été victimes de contention physique, comme l’attachement et de contention médicamenteuse par sédation. Reste la suspicion d’euthanasie liée à la prescription exceptionnelle de Rivotril (cf. LSDJ n° 1124). Ce soupçon sera-t-il levé un jour, notamment grâce à l’action collective des associations de patients et de familles ayant perdu des proches en Ehpad ? (voir article en lien ci-dessous).

Le rapport formule une soixantaine de recommandations pour garantir aux résidents en Ehpad « leur droit au maintien des liens familiaux », « leur liberté d’aller et venir » et « le respect de leur consentement ». Parmi les recommandations du rapport, la nomination d’un « référent consentement », la fixation d’un « ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad » et leur rotation pour éviter leur épuisement, ou encore la vigilance pour que les restrictions aux libertés imposées par la situation sanitaire soient « proportionnées » et prises « pour une durée déterminée ».

Philippe Oswald

Source : La Croix

Cet article est publié à partir de La Sélection du Jour.


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